Notre prise de parole à l'action "Pas une de plus", le 11 juillet 2019 à Saint-Denis.
Nous étions des centaines à marcher de la mairie au commissariat, pour demander justice et vérité pour Leïla - étudiante de 20 ans tuée par son ex-compagnon. Pour dire Stop aux violences faites aux femmes ! Stop aux féminicides !
A l'appel du Syndicat SUD CT 93 Mairie de Saint-Denis, avec le collectif Les Dionysiennes, les Femmes de Franc-Moisin, les Femmes Gilets Jaunes, le Comité de soutien aux Femmes du Palais, les Guarichas Cósmikas et toutes les autres.
Le texte de la prise de parole :
Nous, le collectif Femmes en lutte du 93, nous tenons à rendre hommage à Leila et à exprimer toute notre solidarité avec sa famille. Nous prenons la parole aujourd’hui pour dire : stop aux violences faites aux femmes ! Stop aux féminicides ! Pas une de plus !
Depuis le début d’année, c’est 75 femmes en France qui ont été tuées par leur conjoint ou leur ex-conjoint. La semaine dernière, Leila, étudiante à la fac de Paris 8, a été tuée par son ex-compagnon ici à Saint-Denis. Elle avait 20 ans. Elle était venue la veille de sa mort dans ce commissariat. Elle en est ressortie sans aucune protection. Voilà le visage du système dans lequel on vit : il faut attendre qu’on nous tue pour espérer un semblant de justice.
On le sait toutes : aller au commissariat, c’est s’exposer à la violence sexiste, misogyne, raciste et homophobe, des flics. C’est les moqueries, le mépris, la culpabilisation des victimes, le refus de prendre la plainte, l'humiliation, les agressions verbales et physiques. C’est se retrouver face aux flics qui harcèlent et tuent les nôtres. C'est être obligée de déposer une main courante quand on veut porter plainte. C’est se retrouver en garde en vue dans des conditions horribles quand on vient porter plainte contre son agresseur, comme Émilie à Montrouge. C’est ressortir seule et encore plus démolie qu’avant. Et tout cela que quand on a la possibilité d'aller porter plainte, car les femmes sans papiers ou les femmes étrangères n'ont même pas accès à ça. Cette violence là, on n'en veut plus !
Nos vies de femmes et de LGBTQI+ valent plus qu’un milliard. Nos vies n’ont pas de prix. Nos vies doivent avoir la priorité sur tout. Les mensonges de l’Etat capitaliste et bourgeois, des Macron et des Schiappa, on n’en veut plus ! De l’argent, il y en a pour accueillir les grandes entreprises et les bobos à la Plaine Saint-Denis. De l’argent, il y en a pour démolir les quartiers et faire les Jeux Olympiques. De l’argent, il y en a pour construire un commissariat tout neuf et le siège national de la Police scientifique à Saint-Denis. Stop ! Priorité à nos vies ! Nous les femmes et les LGBTQI+ exploités, sans-papiers, des quartiers populaires, on crève pendant que vous faites vos profits sur nos vies.
On veut des solutions concrètes et immédiates, pas des mains courantes, pas du blabla. On veut des logements permanents, gratuits, propres, décents et pas des chambres insalubres à 450 euros le mois comme au Palais de la femme de l’Armée du Salut à Paris. On veut pouvoir se mettre en sécurité, mettre nos familles en sécurité, tout de suite, gratuitement et dignement. On veut une prise en charge complète pour avoir accès aux soins pour guérir nos traumatismes physiques et psychiques.
Les violences faites aux femmes nous concernent toutes et tous. Que ce soit au travail, en couple, dans nos quartiers, en famille ou dans les collectifs militants : 2 femmes sur 3 vont subir des violences sexistes et sexuelles. 1 femme meurt tous les 2 jours sous les coups de son conjoint. Et ces chiffres ne disent rien de toutes celles qui n’ont plus que le suicide pour seule échappatoire à une vie de souffrances.
Les violences patriarcales sont quotidiennes. C’est le résultat de tout un système construit par les hommes pour les hommes. Ça concerne toutes les classes sociales. Il ne s'agit pas d'une question « de pauvreté », « d’ignorance », ou « d’éducation », comme on peut l’entendre au sujet des classes prolétaires ou de nos minorités. C’est le patriarcat. Il touche toutes les femmes. La communauté LGBTQI+ subit aussi une violence spécifique : les plaintes pour violence homophobe ayant augmenté de 15% en 2018. Nous n'avons pas non plus oublié le féminicide de Vanessa Campos, femme trans et migrante péruvienne assassinée dans le bois de Boulogne en août de l'année dernière.
Ce ne sont pas des cas isolés, c'est le patriarcat. Il n'y a pas de petites violences : de l'insulte aux viols et aux féminicides, nous vivons dans un système qui rend légitime la violence des hommes sur les femmes. L'impunité des agresseurs est réelle, autant que la double peine que subissent les femmes qui dénoncent ces violences.
Pour les femmes exploitées, des quartiers populaires, avec ou sans papiers : la situation est aggravée par l'exploitation, la précarité, le racisme, les LGBTphobies. Pour celles qui sont encore là, nous sommes des survivantes. Nous appelons à transformer nos larmes et nos douleurs en résistance, nos pertes en luttes, à porter la mémoire de nos mortes, à crier leur nom et exiger que justice soit faite ! Les femmes et les minorités de genre sont en première ligne des violences mais aussi en première ligne des résistances !
Nous appelons à s'organiser pour combattre toutes les oppressions, à dénoncer tous les types de violences, à toujours avoir un féminisme de classe et antiraciste au bout des lèvres. N'oublions pas que les féminicides ne se limitent pas à la sphère familiale, les féminicides sont aussi organisés pour le profit des États. Il suffit de regarder l'exemple de Ciudad Juárez au Mexique où le feminicide était un outil pour semer la terreur et exploiter les femmes prolétaires et migrantes. Il suffit de voir comment le feminicide est l'arme des multinationales et de l'état complice pour virer les populations indigènes de leurs terres en Amérique latine par exemple.
À femmes en lutte, nous appelons à combattre les violences faites aux femmes et aux LGBTQI+ d’où qu’elles viennent. À les combattre aussi en tant que féministes internationalistes depuis la France jusqu'au Brésil de Bolsonaro, en Palestine, au Kurdistan, en Algérie ou encore au Soudan. De la même façon, que nous avons vu en France les femmes gilets jaunes lever leur voix et dénoncer les violences spécifiques qu'elles subissent.
Pour finir, à Femmes en lutte 93, nous tenons à exprimer notre solidarité et nos pensées à la famille de Leila. Nous rendons hommage à sa mémoire. Nous pensons à toutes nos sœurs qu’on nous a arraché, aux vies de souffrances et de résistances de nos mères. Nous continuerons à lutter pour elles et pour nous toutes. Car, comme on dit en Amérique latine, quand on touche à l'une d'entre nous, nous nous soulevons toutes !
Nous nous battrons tant qu'il le faudra ! Pour nos mortes, pas une seule minute de silence mais toute une vie de lutte ! Pour nos mortes et nos vivantes : la révolution !