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Nous n'oublierons pas : retour sur les témoignages de Dounia, Mimouna et Virginie

 

Cette semaine nous avons publié les témoignages de Dounia, femme de ménage retraitée, de Mimouna, présidente de l’association Africa et de Virginie, animatrice auprès de la jeunesse à l’Ile Saint Denis. Leurs parcours nous rappellent que nous ne pouvons compter que sur notre propre camp.

Nous n’oublierons pas qui est en première ligne et depuis toujours, les migrants, les sans-papiers, les pauvres, les ouvrier.e.s, les femmes, les précaires, les banlieusard.e.s, et que la valeur SOLIDARITE n’est pas nouvelle pour nous,  comme nous le rappellent Dounia – « Toutes ces solidarités qu’on voit à Paris dans cette urgence, ça fait depuis toujours qu’ils existent chez nous. Les jeunes qui font les courses pour les vieux, ils leur ramènent des grosses bouteilles de gaz, ce n’est pas nouveau », Mimouna – « Mon second sentiment, c’est de la colère et de la rage devant l’incurie de ce gouvernement. Car il y a les copines, les femmes de l’association et parmi elles les plus démunies, les plus pauvres SDF et sans papières. Alors je lance un appel sur Facebook appel aux dons et c’est merveilleux. La solidarité féminine fonctionne ; plein de produits arrivent au foyer » et Virginie – « je suis là pour lui parce qu’il a été là pour moi à certains moments aussi, et il faut pas oublier les gens qui sont là pour toi dans des moments où il y a personne, hé ben il faut être là pour eux dans les moments où il y a personne. Voilà, ça fait partie de mes valeurs ».

Nous n’oublierons pas avec Dounia comment la France traite les immigrés et comment les dominations sont omniprésentes même dans l’accès au soin. Celles-ci deviennent criminelles sur notre territoire du 93. Nous n’oublierons pas avec Dounia qu’après toute une vie de travail dans les secteurs difficiles, ils/elles ne peuvent pas profiter de leur retraite dans des conditions dignes et décentes et qu’ils sont aujourd’hui en première ligne :

« On est enfermée, j’aurais préféré passer mon confinement au pays, y’a moins de cas. Personne au village n’est infecté. Ici, je ne peux même pas voir mes enfants, et on n'a pas d’information (…) J’ai immigré y’a plus de 40 ans, et rien ne s’est amélioré finalement. On ne nous a rien donné gratuitement. On a tout donné à ce pays, notre travail, notre santé, nos enfants. Mais il n'y a pas grand-chose pour nous et pire, plus grand chose pour nos enfants (…) Les villages et les comités de villages sont organisés pour prévenir la propagation du virus Toutes les routes sont barrées par les villageois qui désinfectent les voitures avant de les laisser passer. Au moindre symptôme, le malade est emmené au dispensaire. Tout est fait pour éviter la propagation (…) Il a supprimé plus de 20 000 lits, avec combien d’infirmières en retraite pas remplacées, il est bien emmerdé et nous avec ! Ha! Il tremble maintenant qu’il rend des comptes ».

 

Nous n’oublierons pas avec Mimouna comment la crise accentue les dominations, le racisme, le sexisme, les violences conjugales. Elle nous rappelle par l’expression de sa colère et son action que nous ne pouvons compter que sur notre propre camp :

« J’ai été frappée au sein de ma famille ces dix dernières années : des cancers ont emporté trois de mes frères et sœurs, ma sœur la dernière que j’ai accompagnée 3 mois et demi. Alors quand arrive ce maudit virus, forcément me reviennent ces souvenirs et je suis inquiète. Je me dis que je suis une militante, une combattante et que je n’ai pas le droit de me laisser aller (…) Amel va déposer plainte et je l’accompagne. La police lui dit « on ne peut rien faire c’est son père tout de même » et pour donner le coup de grâce à Amel : « vous ne pourrez rien faire madame, c’est la loi. ». On lance une démarche mais tout est reporté l’avocate ne peut rien faire, car les problèmes des femmes, ce n’est pas la priorité (...) Ma haine, ma colère, c 'est un combat certes primitif car je ne peux l’exprimer dehors, mais ce temps viendra et il nous faudra ensemble l’amplifier."

Nous n’oublierons pas avec Virginie, comment les femmes sont encore et toujours en première ligne et qu’elles n’ont pas d’autres choix que d’assumer et de déployer leur puissance puisque c’est sur leurs épaules que repose le monde. Elle nous rappelle ce que c’est que la mémoire traumatique, son impact dans le quotidien. Elle interroge la transmission de notre histoire à nos enfants, surtout quand on est issu d'une famille brisée. Elle partage ses réflexions puissantes sur le confinement pour les femmes, notamment sur la gestion des traumatismes, des violences, la gestion des enfants, du conjoint et/ou ex. :

« Le confinement, dans ma famille, on connaît un peu. Je suis la fille d’un père taulard que j’ai pas connu parce que ma mère a préféré nous protéger et partir à ma naissance. Et aussi le fruit d’une mère qui a vécu l’inceste toute son enfance, donc confinée la nuit avec un beau-père incestueux, quoi ! Et puis moi, plus tard, j’ai connu le confinement en psychiatrie (…) Même si c’est dur, seule, de construire une famille, on est d’accord, mais c’est quand même beaucoup plus sain de se protéger, de protéger son enfant et de s’échapper des griffes d’un foyer qui te met mal, qui t’empêche d’éduquer ton enfant correctement, et qui petit à petit te rend dépressif, quoi ! (…) J’espère que ça va permettre à beaucoup de femmes de se libérer des chaînes, des griffes de leur mari violent, grâce à des groupes de femmes qui se mettent en place sur les réseaux pour justement aider par rapport à ça, par rapport aux violences faites aux femmes (…) Mais ce que je veux dire par là, c’est que la femme a une puissance et il faut pas avoir peur de cette puissance, il faut pas la cacher, ça sert à rien de la cacher cette puissance (…) Donc paye ta toute puissance quand même ! Ça aussi, va falloir travailler là-dessus ! Parce que ça devient un problème mondial là ! C’est même plus un problème, c’est un virus le truc ! Et c’est partout dans le monde ! »

 

Nous n’oublierons donc pas avec Dounia, Mimouna et Virginie que les femmes, immigrées, sans-papiers, prolétaires, précaires sont au combat en première ligne au péril de leur vie. Nous n’oublierons pas que le 93 est le plus touché parce que sa population constitue majoritairement cette première ligne. Nous n’oublierons pas que si nous sommes les plus touché.e.s aujourd’hui c’est parce que nous le sommes toujours, c’est encore à nous et toujours à nous qu’on demande de payer de nos vies ce qu’on paye depuis toujours.

Alors avec elles nous nous souviendrons le moment venu et nous serons au combat comme toujours.

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