A l’issue de la première semaine de confinement, nous avons publié les témoignages, d’Assia, agent d’accueil en intérim auprès des migrant.e.s, Nadi, agent hospitalière à Saint-Denis et Sophie, factrice en intérim dans le 92. Des parcours, des secteurs différents mais une colère et une révolte commune contre l’Etat, la hiérarchie et le système capitaliste.
Nous n’oublierons pas qui est en première ligne et depuis toujours, les migrants, les sans-papiers, les pauvres, les ouvrier.e.s, les femmes, les précaires, les banlieusard.e.s, comme nous le rappelle Assia - , " La politique de Macron, c’est de la merde et du foutage de gueule. C’est comme s’il y avait le confinement pour le monde entier et nous. Mais nous ne faisons pas partie de ce monde, des gens à sauver. Par nous, j’entends les pauvres, les migrant.e.s"- Nadi -“Dans les médias, on nous a montré la banlieue comme des sauvages dans les supermarchés, ce n'est pas une question d'éducation mais d'extrême précarité, de survie”- et Sophie - “Dans mon quartier, les supermarchés sont ouverts, la boulangerie aussi, les rues sont nettoyées, les poubelles ramassées, le courrier distribué et les chantiers continuent. Avec l'épidémie, on voit bien qui est indispensable à la société, qui porte le monde, et clairement c'est les ouvriers et les ouvrières”.
Nous n’oublierons pas avec Assia comment la France traite les migrants et les immigrés, le mépris sans complexe avec lequel ils sont encore plus traités pendant cette crise sanitaire mais dont l’origine prend sa source bien avant :
“Mon grand-père a souffert en tant qu’immigré. Il n’était pas en France en vrai, mais il était à l’usine et dans son quartier. Je ne m’attendais pas à grand-chose, mais c’est quand même pire que ce que je pensais. Je ne m’attendais pas à ce qu’on nous abandonne comme ça (…) Je suis inquiète pour ma santé, j’espère ne pas avoir attrapé le virus. Mais j’ai surtout peur de ma santé mentale. J’ai 23 ans, j’ai dû quitter mon pays pour lesbophobie, j’ai déjà été en HP, sous médicaments. Je ne veux pas revivre ça. Je veux avancer dans ma vie, avoir une vie normale, un travail et un appartement à soi”
Nous n’oublierons pas avec Assia qui travaille auprès de migrants, la mise à disposition par le préfet de Seine et Marne, des réfugiés comme main d’œuvre pour les maraichers afin que la population d’Ile de France puisse se nourrir[1]. Non seulement nous nous n’oublierons pas mais cela nous rappelle l’histoire coloniale et esclavagiste de la France (“contribuer à des travaux de plantations et de récoltes”). Il a suffi de quelques semaines de crise sanitaire pour que le système montre son vrai visage.
Nous n’oublierons pas avec Assia et Sophie, qu’ils ont obligé les femmes précaires à choisir entre leur santé et leur survie financière :
" Pour eux, je ne suis qu’une une simple femme pauvre migrante, qui va donner à manger à d’autres migrants et qui doit fermer sa gueule et obéir. Je suis une hmara qui va au taf, je dois me taire et je ne peux pas lâcher pour me protéger, car sinon je n’ai plus rien pour vivre". (Assia).
“Comme je fais de l'asthme, je fais partie des personnes à risque et je suis donc arrêtée. C'est vraiment chaud car mon contrat se termine le 21 mars, et je ne vais pas pouvoir reprendre le boulot avant la fin de l'épidémie. Ça fait très peur de se retrouver sans rien et surtout sans possibilité de travailler. Je n'avais jamais pensé me retrouver dans cette situation, même en étant précaire” (Sophie).
Avec Nadi nous n’oublierons pas combien le gouvernement a été sourd à des mois de luttes, de grève, d’alerte des personnels hospitaliers sur la situation des hôpitaux et des conditions de travail de tous ses personnels :
“Avant l'épidémie de coronavirus, on manquait par exemple de savon pour se laver les mains. C'est dramatique (…) Donc avec l'épidémie, à un moment donné ça va coincer. On a été mal protégé au début de l'épidémie, donc c'est certain qu'il y aura des collègues malades. Ce sera peut-être possible au début de les remplacer. Mais combien de temps les soignants et les soignantes vont pouvoir tenir ? Vu les conditions de travail déjà difficiles et pour beaucoup les journées en 12h, plus l'augmentation des malades, combien vont faire les soignantes ?”
Nous n’oublierons pas non plus sa responsabilité dans la propagation du virus au sein même du lieu censé prendre en charge les malades et son mépris de la vie de tous celleux qui sont auprès des malades ou veillent au fonctionnement de l’hôpital :
“On n'a même pas assez de masque pour la journée (…) Ne pouvant pas dépister tous les soignants-e-, c'est quand même contradictoire qu'on n'ait pas le matériel nécessaire pour se protéger et éviter la contamination entre soignant-e-s et malades (…) Mais c'est trop facile de nous mettre ça sur le dos. Il y a eu un laissé-allée sanitaire de la part du gouvernement. Le problème est là”.
Nous n’oublierons pas avec Sophie, comment La Poste, au mépris de la vie de ses agents et du reste de la population a cherché à tout prix à maintenir son activité économique en diffusant le virus et le cynisme du système capitaliste qui fonctionne avec une échelle de valeur de nos vies :
“Quand tu es factrice ou facteur, tu bosses en conditions usine avant de partir en tournée. Nous, on est plus de 80, les uns à côté des autres, en espace confiné, pendant plus de 2h tous les matins. On touche tout à mains nues (…) La direction ne nous a donné aucun équipement de protection. Mes collègues ont exercé leur droit de retrait face à cette situation de danger. Ils et elles se bagarrent pour obtenir des conditions de travail garantissant leur sécurité et celle des usagers (…) Faire voyager le virus quoi. Pendant ce temps, les cadres, les directeurs, font du télétravail bien à l'abri. Voilà la valeur de nos vies”.
Nous n’oublierons donc pas avec Assia, Nadi et Sophie que les bourgeois vivent leur confinement dans leur maison secondaire au bord de la mer ou à la campagne pendant que les nôtres sont au combat en première ligne au péril de leur vie.
Alors avec elles nous nous souviendrons le moment venu et nous serons au combat comme toujours.
Coronavirus, Crise sanitaire, Répression
APPEL AUX TÉMOIGNAGES
DES FEMMES DES QUARTIERS POPULAIRES !
En cette terrible pandémie, plus que jamais on garde notre ligne : la parole aux femmes exploitées, sans-papiers, des quartiers populaires !
Nous invitons les femmes et les LGBT+ à nous raconter leur quotidien, au travail et/ou en confinement.