Coronavirus, Crise sanitaire, répression :
APPEL AUX TEMOIGNAGES DES
FEMMES DES QUARTIERS POPULAIRES !
En cette terrible période de pandémie, plus que jamais on garde notre ligne : la parole aux femmes exploitées, sans papiers, des quartiers populaires !
Nous invitons les femmes à nous raconter leur quotidien, au travail et/ou confiné.es.
Nous publions le texte de Mimouna Hadjam, agée de 61 ans, fondatrice de l’association Africa 93. Née en décembre 1987, cette association lutte contre le racisme, le sexisme et les droits des sans-papières, et ce en plein milieu de la cité des 4000 à La Courneuve.
Dans son témoignage, elle aborde : sa peur pour les siens de la classe ouvrière immigrée du Nord, sa colère contre le gouvernement. Elle nous fait part du soutien pendant le confinement, aux femmes sans papières, faisant face au mal logement et aux violences conjugales.
Ma haine, ma colère, c 'est un combat certes primitif car je ne peux l’exprimer dehors, mais ce temps viendra et il nous faudra ensemble l’amplifier.
Par quoi commencer et bien par le début. Pour moi l’inquiétude date disons de la mi-février. Dans un premier temps, c’est un sentiment d’impuissance devant la maladie. J’ai été frappée au sein de ma famille ces dix dernières années : des cancers ont emporté trois de mes frères et sœurs, ma sœur la dernière que j’ai accompagnée 3 mois et demi.
Au cours de cette période d’accompagnement qui se passait à l’hôpital de Douai dans le Nord, j’avais eu l’occasion de me rendre compte de deux choses. A la fois, du dévouement des personnes soignantes, mais aussi du pouvoir médical, souvent des hommes, assez glaciaux qui ne parlent que de soins palliatifs. Je ne l’aime pas ce pouvoir à dominante masculine et pas de mon milieu social, pouvoir si sûr de lui. J'en garde de mauvais souvenirs.
Alors quand arrive ce maudit virus, forcément me reviennent ces souvenirs et je suis inquiète. Je me dis que je suis une militante, une combattante et que je n’ai pas le droit de me laisser aller.
Quand être militante fait de toi l'aînée de la famille !
Dans ma famille, dont une bonne partie vit dans des cités minières dans le Nord, on s’organise vite et on sépare les familles des enfants pour protéger les plus fragiles. Les plus âgées restent à domicile depuis fin Février avec une ou deux personnes, les enfants d’un côté. Ah là, le chômage qui frappe pas mal de mes proches nous arrange bien.
Je ne suis pas l’aînée de la famille mais j’en fais office depuis que je suis petite, mes proches se retournent vers moi car ils et elles sont persuadés que je sais beaucoup de choses du fait de mon militantisme ( complétement faux ). Mais j’assume et je téléphone partout pour régler les situations, J’ai une nièce malade de la sclérose en plaques , qui vit en foyer médicalisé. On est proches Djamila et moi et j’ai peur pour elle, on se parle plusieurs fois par jour.
La peur est ma meilleure copine en ces premiers jours. Je suis à Saint Ouen, mon fils à Louvres avec ses enfants et leur mère. Je ne les ai pas vu depuis premier discours de Macron.
Femmes sans-papières confinées ... à la rue
Mon second sentiment, c’est de la colère et de la rage devant l’incurie de ce gouvernement. Car il y a les copines, les femmes de l’association et parmi elles les plus démunies, les plus pauvres SDF et sans papières. Pour celles là, on avait organisé un rassemblement le 11 Mars dernier à la Préfecture pour exiger des rdvs, des régularisations.
J'en suis trois qui sont à la rue, qui passent leur vie dans le tram et qui connaissent les noms des villes et des stations par cœur surtout deux :
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6 routes de La Courneuve : la première station est de AFRICA où elles viennent prendre un café, manger dans la journée
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Hôpital de la Fontaine : l’hôpital ou elles vont dormir un peu quand elles arrivent à entrer.
Tout de suite c’est à elles que je pense et je me mets en quête de trouver des solutions. J'ai prévu au pire des cas de les faire héberger dans nos locaux même s’il n’y a pas de douche. Je n’ai pas le droit de le faire, ce sont des locaux municipaux mais tant pis.
J’arrive à trouver une place avant le confinement pour Djoura qui a 45 ans et beaucoup de pathologies. Elle n'est acceptée que pour dormir.
Mieux que rien et je continue mes appels partout à Paris, en banlieue. Finalement, Malika et Amel seront acceptées dans un foyer, mais que de nuit. Le jour, elles vont à l’association se garder au chaud.
Oui, ça fait très Abbé Pierre, mais je n’ai pas le choix.
Le 1 jour du confinement, J’appelle Djoura qui me dit qu’elle na ni shampoing ni savon pour se laver. La directrice est assez sympa et me confirme la situation. Les trois copines vont finalement pouvoir rester jour et nuit confinement oblige, mais il manque de la nourriture, des produits d’hygiène.
Alors je lance un appel sur Facebook appel aux dons et c’est merveilleux. La solidarité féminine fonctionne ; plein de produits arrivent au foyer.
En plus l’association (dirigée par une femme) Mobil douches, qui fait les maraudes à Paris, nous livre un stock de produits : gels, shampoing, serviettes hygiéniques, lessives. Le samedi de la première semaine de confinement, j’appelle le Président du Conseil Départemental du 93 qui débloque une partie des stocks des crèches fermées : couche et laits. Il va aussi débloquer des stocks alimentaires par le biais d’Inter logement. Les « petits » problèmes continuent à l’association, quand je dis petits, pour les concernées, ils sont énormes. Pour moi, ils sont la quotidienneté.
Voilà une partie de mon quotidien : le matin ménage, désinfection puis téléphone à la famille, ça prend du temps. Après mon temps, je le consacre à la Courneuve. Le soir je visionne des films de lutte qui me donnent la force de continuer.
Femmes victimes de violences et confinement.
Dounia une femme de Stains, qui a divorcé suite à des violences, est en grande difficulté.
Amel, Mère de 4 enfants, au chômage, son ex et surtout la famille de ce dernier continuent leur harcèlement, agressions, insultes. L’ex en question vit dans son pays et n'a jamais exercé son droit de visite. En ce moment, il est à La Courneuve chez sa sœur et à l’occasion d’un droit de visite exclusivement pour son fils âgé de 12 ans, car les trois autres enfants sont des filles dont il se fout royalement, et bien monsieur ne veut plus rendre l’enfant car il se découvre père. Amel va déposer plainte et je l’accompagne. La police lui dit « on ne peut rien faire c’est son père tout de même » et pour donner le coup de grâce à Amel « vous ne pourrez rien faire madame, c’est la loi. » Oui c’est une possibilité de la loi mais il faut une procédure. On lance une démarche mais tout est reporté l’avocate ne peut rien faire, car les problèmes des femmes, ce n’est pas la priorité. Tous les jours enfin plutôt ( 5 ou 6 fois par jour), Amel pleure au téléphone. Elle n’a aucune nouvelle de son fils et la famille de son ex la menace au téléphone elle et ses filles ? qui ne seraient que des putes .
Elle ma fait écouter une partie de la prose de son ex en arabe « salope, tu mets des pantalons, tu ramènes des hommes chez toi et tu en fais profiter tes filles je vais vous détruire ».
Enfin grâce aux assos féministes, le gouvernement décide quelques mesures pour les femmes en danger et on a réussi à saisir le parquet (en attente)
Mes petits sont métisses algériens de leur père et vietnamienne par leur maman. L’ainée m’a dit « Ama , avant j' étais terroriste car arabe et maintenant, je suis en plus lanceur de virus ». Parmi les racistes se trouvent beaucoup de gens de ma communauté, oui oui des arabes, qui passent leur temps à m’envoyer des vidéos racistes.
Haine du système mais amour pour les nôtres.
J’ai une haine profonde pour ce gouvernement, les politiques qui ont dit oui aux élections municipales pour renforcer leur pouvoir de merde (je n’ai pas voté et j’ai fait campagne pour l’abstention.
J’ai une haine profonde pour les riches et les bobos parisiens, qui se sont vite barrés dans leurs maisons de campagne, pour les bouffons et bouffonnes qui en plus se font du fric sur notre misère telles que Slimani, Darrieussecq, ces grandes écrivaines qui font leur journal de confinement bien au chaud, dans leurs résidences secondaires
J’ai une haine profonde pour tous ces racistes qui cassent du chinois et de l’asiatique car ils sont mangeurs de chauvesouris. Mes petits sont métisses algériens de leur père et vietnamienne par leur maman. L'ainée m’a dit « Ama , avant j' étais terroriste car arabe et maintenant, je suis en plus lanceur de virus ». Parmi les racistes se trouvent beaucoup de gens de ma communauté, oui oui des arabes, qui passent leur temps à m’envoyer des vidéos racistes.
J’ai une haine profonde contre ce pouvoir masculiniste du monde médical qui chaque soir vient faire son annonce macabre et bien sur rend hommage aux soignants que leur gouvernement a gazé ces derniers mois, quand ils et surtout elles exigeaient des moyens pour l’hôpital.
Ma haine, ma colère, c 'est un combat certes primitif car je ne peux l’exprimer dehors, mais ce temps viendra et il nous faudra ensemble l’amplifier.
Je suis une enfant de la classe ouvrière, je l’ai été moi aussi , je suis une femme qui a été élevée dans un milieu très patriarcal, je suis une féministe radicale et lutte de classe. Définitivement aux cotés des miens de ma classe sociale, aux côtés des femmes.
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Femmes en lutte 93 - Présentation de l'association Africa
Par Mimouna, porte-parole d'Africa, lors du meeting Femmes en lutte 93, qui s'est tenu le 18 Fév 2012 à la Bourse du Travail de Saint-Ouen. Video réalisée pa...