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Témoignage de Madina : du confinement social au confinement sanitaire

Coronavirus, Crise sanitaire, répression : 

APPEL AUX TÉMOIGNAGES DES

FEMMES DES QUARTIERS POPULAIRES !

Nous invitons les femmes à nous raconter leur quotidien, au travail et/ou confiné.es.

A travers son expérience personnelle de la maladie, Madina nous rappelle l’inconscience de l’Etat dans la gestion de cette crise sanitaire et comment les malades ont dû se prendre en charge seuls même si on peut compter sur la solidarité entre voisins. Ayant quitté l'hôtel social dans lequel elle vivait depuis un an au moment du confinement, Madina nous décrit aussi son expérience du confinement qui est bien moins pire que celui qu'elle vivait à l'hôtel social, dans lequel les conditions de vie étaient difficiles et insalubres. Ça lui a laissé du temps pour travailler, étudier, partager du temps avec sa fille alors que d’habitude c’est la course pour relier travail/école/crèche. Au moment du dé-confinement, Madina pense remettre sa fille à la crèche à partir du 12, qu'elle ait le choix ou pas par son entreprise, parce qu'elle veut que sa fille voie d'autres enfants, joue avec, peut-être pour rompre l'isolement vécu dans le fait d'être mère célibataire immigrée.

« J’ai été amenée à l’hôpital, mais comme c’était le début, les gens n’étaient pas assez sensibilisés pour cette maladie ; donc certains médecins ignoraient que c’était ça, donc ils m’ont laissé partir… Avant de m’emmener, ils ont demandé aux voisins de nettoyer tout le bâtiment [de l’hôtel social], patati patata. Je suis partie à l’hôpital. Ils ne m’ont pas fait de test, ils m’ont juste mis un masque. Ils m’ont demandé de le porter pendant minimum deux semaines ».

J’ai appris qu’il y avait une épidémie sur les réseaux sociaux. Par rapport au confinement, je n’ai eu l’info que quand le président avait fait son discours par rapport aux mesures qu’il avait pris pour la lutte contre cette maladie. 
Dans ma boîte ils ont dû tout anticiper en adoptant quelques mesures d’hygiène, comme se laver les mains régulièrement, plus de bises, on ne se serait plus la main non plus… Au fur et à mesure ils ont augmenté la liste des gestes jusqu’à décider une semaine avant le confinement que tous les salariés se déplaçant en transport en commun peuvent désormais faire du télétravail.
Oui, mon employeur a pris des mesures strictes pour protéger les salariés et tout le personnel qui travaillait là-bas. Surtout quand ça s’est propagé en Italie, ils ont commencé à prendre des mesures et à prévenir les salariés que tous les jours on devrait rentrer avec nos ordinateurs, parce qu’à tout moment ils peuvent nous demander de rester chez nous et c’est exactement comme ça que ça s’est passé ! Ils ont pris des mesures avant même que le gouvernement ne l’ordonne. Donc voilà. Toutes les personnes qui se déplaçaient en transport en commun, on leur a demandé de rester chez eux pour faire du télétravail et tous ceux qui se déplaçaient en voiture personnelle pouvaient quand même venir. Après, tous les voyages ont été annulés. Sincèrement ça va ! De ce côté, ils ont pris toutes les précautions pour protéger les salariés. 
Avant le confinement, j’ai été confrontée à des symptômes similaires au corona et tout. Donc, j’ai eu tous les symptômes. J’ai été amenée à l’hôpital, mais comme c’était le début, les gens n’étaient pas assez sensibilisés pour cette maladie ; donc certains médecins ignoraient que c’était ça, donc ils m’ont laissé partir, sachant bien que j’étais sûre que j’avais le corona, mais comme c’était pas assez médiatisé et qu’ils n’ont pas été assez formés pour ça, du coup ils m’ont laissé partir. Du coup, moi, je me demande bien si j’ai pas contribué à la propagation du virus sachant que moi aussi j’étais ignorante de tout ça, donc je savais pas que j’étais atteinte de cette maladie. C’est là tout récemment que je viens de faire le lien, mais voila c’était trop tard. Du fait que l’Etat n’a pas pris les devants, ça a pris des conséquences phénoménales. Parce qu’ils se sont retrouvés avec plus de 1000 cas ! Mais sinon après tout s’est bien passé. Je n’ai pas été exposée au travail, pas du tout. Par rapport à mon travail, ça va. 

Seule face à la maladie et pour s’occuper de sa fille.
C’était une semaine où je ne me sentais pas bien du tout. J’ai traîné avec pendant toute cette semaine et la nuit du vendredi au samedi, j’ai très mal dormi, j’avais de la fièvre durant toute la nuit, et voilà quand je me suis réveillée, je ne sentais plus mes jambes, j’avais des courbatures un peu partout et j’ai essayé quand même de me lever pour ouvrir la porte et voilà… Je me suis levée par la suite parce que ma fille s’est réveillée, donc il fallait que je me lève pour la préparer un peu. C’est là que je l’ai mise dans la baignoire et de suite j’arrivais plus à bouger. Donc je suis venue à la porte, j’ai demandé à la voisine si elle pouvait venir m’aider à faire sortir ma fille de la baignoire. Elle m’a dit oui, donc dès qu’elle est venue, elle l’a fait sortir, et moi je suis tombée. J’ai arrêté de respirer de suite. Donc elle aussi elle a pris panique, elle a appelé les voisins. Donc les autres sont venus pour lui prêter main forte. Ils ont commencé à me faire un massage cardiaque parce qu’ils ont appelé les pompiers, donc en attendant qu’ils viennent ils ont commencé  à me faire un massage cardiaque. Après les pompiers sont venus, ils ont pris le relais et tout, ils ont fait je sais pas quoi. Avant de m’emmener, ils ont demandé aux voisins de nettoyer tout le bâtiment [de l’hôtel social], patati patata. Je suis partie à l’hôpital. Ils ne m’ont pas fait de test, ils m’ont juste mis un masque. Ils m’ont demandé de le porter pendant minimum deux semaines. Ils m’ont donné des médicaments pour calmer un peu mes maux de tête et de là ils m’ont dit de rentrer chez moi… Après, j’ai demandé ce que j’avais ? Ils m’ont dit que j’avais attrapé un virus qui peut être très dangereux, mais ils pensent que ça s’est calmé donc je peux rentrer tranquillement. Donc ça m’a paru quand même un peu louche qu’ils me laissent partir, sachant bien qu’ils me disent que le virus peut être très dangereux, qu’ils ont demandé aux voisins de désinfecter chez moi, de porter un masque, de me reposer pendant trois semaines avec un arrêt de trois jours… Donc, je suis rentrée mais je me sentais pas bien du tout pendant trois semaines ! J’ai aussi appelé mon médecin pour lui en parler parce que je voulais vraiment savoir ce que j’avais, parce que c’était louche que je reste pendant des semaines à tousser, à avoir des courbatures, je me sentais vraiment pas bien… Mais le médecin m’a aussi demandé de rester chez moi, sans explication aussi ! Il m’a dit « quand vous êtes partie aux urgences, on vous a dit quoi ? » « - On m’a rien dit de spécial, que j’avais attrapé un virus mais qu’ils ne savaient pas ce que c’était comme virus et ils m’ont dit de rester chez moi ». Il m’a dit « ben restez chez vous, reposez-vous ». J’ai dit « okay ». Je suis restée chez moi tout le temps que je me sentais pas bien. Après, c’est vrai que j’ai toussé pendant trois semaines sans avoir le moindre doute que j’avais le corona. Je pensais pas à ça. J’avais pas l’idée que ça pouvait être ça. Et c’est il y a une semaine que j’ai repensé aux symptômes que j’avais eu, comment ça c’était passé, tout ce tralala, et c’est là où j’ai fait le lien ! Je me suis dit que sûrement j’ai contribué à la propagation du virus sans le savoir, mais ce n’était pas de ma faute dans le sens où je savais pas ce que j’avais. Donc moi je dis que c’est la faute des médecins parce que s’ils me disent que j’avais un virus, la moindre des choses c’est de faire des tests pour savoir quel virus c’était. Mais ils n’ont même pas pris la peine de faire un test quelconque pour savoir ce que j’ai. Ils m’ont laissé rentrer et m’ont dit de me reposer pendant trois semaines, mais pour avoir fait un arrêt de trois jours, donc j’ai trouvé ça quand même incohérent ! Et pourquoi je dis que j’ai dû contribuer à la propagation du virus ? Parce que j’ai pris quand même les transports pour aller à l’école, pour aller au travail, et tout. Je les ai pris et je toussais de manière vraiment catastrophique ! Donc voilà… C’est cette idée qui m’est venue il y a une semaine que j’ai été parmi les gens qui ont propagé le virus, mais c’était inconsciemment, je ne savais même pas… Dans les hôpitaux sûrement ils n’ont pas été assez sensibilisés de cette maladie, donc ils ne savaient pas. Et voilà. 

 

« Le confinement c’est vrai que c’est un peu compliqué, mais il y a des avantages quand même dans le sens où ça nous laisse du temps pour réfléchir, pour écrire le mémoire… Donc aussi, du fait qu’en temps normal on ne profite pas trop de nos enfants du fait qu’on travaille et qu’eux aussi ils sont à la crèche, donc c’est le bon moment pour vraiment profiter, pour faire plein d’activités, connaître vraiment son enfant et partager plein de choses avec eux ».

Par rapport au confinement, tout au début c’était un peu compliqué parce que je savais pas quoi acheter, quoi privilégier parce que moi c’était tout au début de mon déménagement, donc c’était un peu compliqué, mais après ça va, je me suis adaptée. Par rapport à ma fille, ça va, je pensais que ça allait être beaucoup plus difficile, mais non. Elle s’adapte bien aussi. Elle se crée sa bulle, elle est dans son monde. Elle se crée des jeux. Elle s’y plaît bien. Des fois quand même je l’encadre un peu, je l’aide à faire des dessins, l’aider un peu à s’améliorer sur l’écriture, et tout. On apprend aussi plein de choses. Des fois aussi il y a la directrice de sa crèche qui m’envoie plein d’activités, donc j’essaye quand même d’en appliquer quelques-uns. Voilà, en gros. Et par rapport à mon travail, je fais du télétravail, donc pas de perte de salaires, ni rien. Ça se passe hyper bien, ils ne me mettent pas trop la pression, donc sincèrement ça va. Je me plains pas de ce côté, parce que sincèrement ça se passe très bien. J’ai même du temps par rapport à mes cours parce que c’est pas trop imposant. Donc on fait les cours correctement, comme si on était à l’école. Les profs ne s’imposent pas trop non plus. En plus c’est pas tous les profs qui font leur cours, donc ça nous laisse quand même assez de temps pour pouvoir réviser, pour pouvoir assimiler les cours qu’on a déjà faits et tout. Et moi, entre temps, j’en profite pour avancer sur mon mémoire de fin d’année, donc…ouais…le confinement c’est vrai que c’est un peu compliqué, mais il y a des avantages quand même dans le sens où ça nous laisse du temps pour réfléchir, pour écrire le mémoire. C’est du temps que je n’aurai pas eu si tout se passait bien. Donc voilà, il y a des côtés positifs qu’on essaye de valoriser, et c’est ce que je fais. Donc aussi, du fait qu’en temps normal on profite pas trop de nos enfants du fait qu’on travaille et qu’eux aussi ils sont à la crèche, donc c’est le bon moment pour vraiment profiter, pour faire plein d’activités, connaître vraiment son enfant et partager plein de choses avec eux. Donc sincèrement ça va. Je me suis bien adaptée. Et de temps en temps aussi, une fois toutes les deux semaines depuis le début, je suis sortie pour aller faire des courses. Et sincèrement ça va : pas de perte de salaires, donc tout se passe bien. Tout se passe bien. 
Par rapport à l’hôtel, je me sentais plus confinée là-bas qu’ici. Par contre, ici, je me sens tellement bien que je sens même pas le confinement. Ça me laisse tellement le temps d’avancer sur mes cours, sur mon mémoire, sur mes candidatures…voilà ! Parce qu’ici j’ai accès à Internet, ce qui n’était pas le cas à l’hôtel où j’étais vraiment enfermée, j’avais même pas de lumière…la chambre était toute noire, les fenêtres étaient du côté cour donc il y avait pas de lumière… Toute la journée j’étais obligée d’allumer les lampes, en plus il n’y avait pas de réseau donc pour appeler c’était très compliqué et avoir Internet c’était quasiment impossible. J’aurai pas pu vivre le confinement bien si j’étais à l’hôtel, ça aurait impossible…même le travail…non, mais ça aurait été la catastrophe ! La catastrophe ! Dieu fait bien les choses parce que je me dis : imagine si j’étais à l’hôtel, comment vais-je faire pour me connecter ? pour faire du télétravail ? ça serait impossible ! Et pour suivre mes cours ? L’espace était tellement minime…ça serait juste impossible, impossible, impossible ! Donc je me sentais plus enfermée à l’hôtel qu’ici. Ici, sincèrement, je me sens tellement bien que voilà…Je me sens trop bien ! Trop bien ! Tous les jours je remercie Dieu que je sois là dans cette période, que j’ai pu quitter l’hôtel [social] juste avant le confinement…ouais…je peux même pas exprimer mes sentiments tellement que je suis contente. 

 

Par rapport à ma famille au Sénégal, bien sûr que je m’inquiète et tout, parce que là-bas ils n’ont pas assez de moyens comme dans les hôpitaux ici, et tout. Voilà, c’est un peu compliqué si toutefois la maladie se propage au Sénégal comme elle se propage ici. Mais d’après les statistiques, ils ne savent même pas pourquoi ça se propage pas si rapidement en Afrique, mais sincèrement c’est tant mieux, et on espère bien que ça continue comme ça, et voilà ! Ils ont pris les devants, ils ont commencé les couvre-feux très tôt, les marchés ont été fermés, tout rassemblement… Presque tous les jours je parle avec ma famille pour voir s’ils vont bien, s’ils ont assez acheté pour pouvoir rester chez eux le maximum possible. Donc voilà, on se donne tout le temps des nouvelles parce que eux-mêmes ils s’inquiètent pour nous qui sommes là, et tout. Tous les jours on s’appelle pour se rassurer mutuellement. Mais sincèrement ça va ; de l’autre côté, ils vont très bien. En plus il y a plus de cas guéris que de gens malades, donc ça se passe très bien. C’est pas aussi catastrophique qu’ici, donc ça donne l’espoir que ça va aller. Donc sincèrement ça va. Il y a l’inquiétude, c’est sûr, parce qu’une maladie qui tue ça fait peur, mais voilà…ça va… Hamdoulah.

La dernière fois, j’ai suivi le discours de Macron, il a beaucoup parlé des femmes des quartiers populaires et tout, donc je pense bien qu’il fera beaucoup d’efforts après le confinement. Il n’y a pas de raison qu’il ne le fasse pas, parce qu’il a bien vu que ces femmes se donnaient à fond pour sauver les gens et se sacrifiaient ! Il y a l’exemple de la dame qui travaillait à Carrefour et qui est décédée. Tous ces exemples devraient être un déclic pour aider ces femmes qui en ont vraiment besoin ! Je pense bien qu’il fera quelque chose, je pense bien ! On se nourrit d’espoirs par rapport à cela, parce que voilà ça fait longtemps qu’on attend ce genre d’aide, et je vois pas pourquoi il le ferait pas. Attendons juste de voir si nous on va continuer à manifester hein ! (elle rit)

En fait, dans l’hôtel où j’étais, je parle toujours avec eux. Il y a la dame qui était à côté [de ma chambre], j’aimerais bien l’aider après le confinement. Je sais pas comment, mais j’aimerais bien le faire. Parce que déjà elle subit des violences conjugales, physiques et psychologiques ; en plus de cela, elle a du mal à avoir à manger, donc j’aimerais faire ça juste après le confinement. Et durant le mois de ramadan, je cuisinerai très souvent pour les gens qui n’ont pas de quoi manger. J’ai pas encore ciblé les familles, mais je vais quand même le faire. Pour l’instant, je n’ai que ça en tête, je compte aussi réfléchir comment agir et comment aider les gens, les sensibiliser, mais je sais pas encore comment faire. Mais j’aurai du temps pour réfléchir comme j’aurai plus à me déplacer pour aller à l’université, ça sera que le travail, donc ça me laissera le temps de réfléchir sur tout ça, je manquerai pas de vous tenir au courant de ce que je vais faire, inch’allah !

« Je vais ramener ma fille quand même à la crèche pour qu’elle retrouve ses copains, pour pouvoir bouger un peu, échanger un peu. Le fait de rester à la maison, c’est un peu compliqué pour eux, donc ça sera l’occasion de se retrouver enfin, de pouvoir jouer, de pouvoir s’amuser avec les autres ! »

Sincèrement, j’ai pas d’appréhension sur le dé-confinement. Cette maladie, oui, ça fait peur quand on écoute les médias mais …ça me fait pas trop peur, quoi ! J’ai l’intention de ramener ma fille à la crèche dès le 12, s’il y a de la place bien sûr parce que là en fait je pense qu’ils vont prendre des groupes de dix enfants et ça sera que chez les grands. Donc chez les petits et les moyens, je pense que ça sera pas pour maintenant. Ils vont faire une sélection, parce qu’il a des parents qui veulent pas, donc c’est tout bénéf’ pour les parents qui veulent que leurs enfants aillent à la crèche. Moi, ça dépendra de l’entreprise où je suis. S’ils me demandent de venir, je serai vraiment dans l’obligation de la ramener à la crèche. S’ils me demandent pas de venir, je vais la ramener quand même à la crèche pour qu’elle retrouve ses copains, pour pouvoir bouger un peu, échanger un peu. Le fait de rester à la maison, c’est un peu compliqué pour eux, donc ça sera l’occasion de se retrouver enfin, de pouvoir jouer, de pouvoir s’amuser avec les autres ! Et aussi faire les achats, faire les courses, dans les magasins comme je veux, qui étaient fermés, donc sincèrement ça me fait pas tant peur que ça ! 

Tag(s) : #Femmes d'ici et là-bas
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