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Retour sur la réunion publique : Ouvrières en lutte !

Souffrance et pénibilité au travail des femmes : quelles résistances possibles ?

 

Samedi 31 mai 2014, Femmes en lutte 93 a organisé une rencontre autour de la souffrance au travail et des résistances possibles pour les femmes. Pour nous à Femmes en lutte 93, la question de l’emploi est une question centrale, en effet, sans emploi comment bien se loger, bien se nourrir, s’occuper de ses enfants, se soigner, avoir accès aux loisirs ? L’organisation de la projection du film « Remue-ménage dans la sous-traitance », qui raconte la lutte des femmes de ménage du groupe d’hôtellerie ACCOR, est d’ailleurs à la base de la création de notre groupe. Au travers des luttes et mobilisations, nous avons poursuivi la popularisation et le soutien aux différents combats des femmes. La souffrance au travail est l’un d’entre eux, c’est pourquoi il nous semblait évident d’organiser cette discussion autour de ce thème et des luttes menées et à mener pour le combattre.

Témoigner des conditions de travail faites aux femmes du peuple est notre objectif. Il faut rendre visible leur exploitation mais surtout les résistances possibles des hommes et des femmes du peuple contre le capitalisme.

 

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Nous avons ainsi invité Ghislaine Tormos, ouvrière à PSA à venir témoigner de son expérience de vie, de travail et de lutte. En 2013, une lutte de 4 mois s’est menée à PSA Aulnay contre la fermeture de l’usine. Gigi ouvrière de cette boîte, élevant seule ses trois enfants, seule femme de son atelier, s’est engagée dans la lutte pour défendre les ouvriers. De son expérience ouvrière et de lutte, Gigi a tiré un livre, « Le salaire de la vie », publié cette année. Venue pour apporter son témoignage, celui-ci fît écho à plusieurs femmes, qui ont pu raconter leurs souffrances dans le cadre du travail, de sa quête, ou de sa perte…et de leurs situations spécifiques.

Les facteurs en grève du 92, des ouvriers de PSA Poissy ou des anciens ouvriers de PSA Aulnay et la CSP ( Coordination des Sans-Papiers) 93 étaient aussi présents pour venir construire ensemble l'unité dont nous avons besoin pour combattre le capitalisme.

Nous avons pu à cette occasion discuter, de débattre, et raconter afin de s’enrichir les unes les autres mais aussi les uns les autres car cette rencontre était organisée en mixité. Pour nous, mettre en avant la question spécifique des femmes, notamment au travail et un levier pour construire l’unité des travailleuses et travailleurs, pour organiser nos révoltes, sortir de la fatalité et des coups durs. 

 

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"Celles qui crèvent au travail"

 

 La déconsidération du travail des femmes et des souffrances endurées

L’expérience de Gigi, ouvrière et ouvrière en lutte au sein de cette usine emblématique des luttes en Seine-Saint-Denis a démontré la singularité de son parcours dans une structure où l’on compte 3 femmes pour 1200 hommes. Elle a dû s’y imposer car les femmes sont déconsidérées dans ces métiers dits « d’hommes ».

Comme le souligne une militante de femmes en lutte, à travail égal, une femme sera jugée moins productive à l’usine. Et lorsque qu’elle exerce des métiers plus « traditionnellement féminins », ceux-ci ne sont pas reconnus pour leur pénibilité : éducation, soin, ménage…mais que dire de la fatigue nerveuse dans les métiers de la relation, des nombreuses situations de portage de charges humaines dans le milieu hospitalier, et des postures courbées à l’entretien ? Les femmes sont notamment plus concernées par les troubles musculo-squelletiques (TMS) que les hommes, c’est une réalité qu’il faut partager ! Sans compter les horaires lourds à souhaits ou complètement incompatibles avec une vie tant ils sont fractionnés et décalés.

Une postière du 92 en lutte souligne à juste titre que le travail de postier s’est féminisé ces dernières années. Les conditions de travail difficiles concernent surtout les charges à porter, et là aucune différence n’est faite entre hommes et femmes en ce qui concerne les kilos portés. Comme le dit Gigi, « Rapidement, la chaîne impose son rythme », et les femmes sont loin d’y faire exception…

 

Femmes surexploitées parce que sans-papiers  

 

 En quête de travail

Femmes en lutte tient à souligner la situation particulière des sans papiers qui, de part leur extrême précarisation sont soumis à des interlocuteurs exploiteurs qui n’hésitent pas à dépasser l’entendable, et ce, dès la quête du travail.

En témoigne une camarade qui, diplômée du diplôme d’infermière dans son pays mais peinant à le faire reconnaître ici a fait l’objet de tentative d’approche sur internet. « Tu es jolie… » a commencé à lui dire le potentiel recruteur pour un travail d’aide et de soin à domicile « mais moi je veux juste travailler, c’est tout ».

 

Au travail

L’extrême précarisation des sans papiers et fragilité des situations qui engendre des situations de travail honteuse et des pratiques de commission (jusqu’à 5/6eme du salaire parfois !) de la part d’intermédiaires profiteurs. Le chantage ou les promesses de papiers et d’embauche, c’est selon, maintiennent parfois les femmes sans papiers dans une situation de dépendance et de vulnérabilité face au patron ou à l’intermédiaire. Les tromperies sont nombreuses. Eloquent, ce témoignage d’une camarade sans papiers qui, après 5 ans de bons et loyaux services sans horaires, presque sans congés s’est vue licenciée aussitôt régularisée ! Le statut de sans-papiers reste une aubaine pour les exploiteurs, jamais incriminés ! Son cas est aux prudhommes.

 

Souffrance au travail et souffrance après le travail

A travail égal, à salaire égal, la situation n’est pas la même pour les femmes et les hommes. Les femmes assurent souvent la double journée, et donc double souffrance, d’autant plus quand elles subissent la culpabilisation de l’institution quand leurs enfants ne suivent pas les rails prescrits. La souffrance au travail engendre également des non-dits dans les familles, elle rejaillit sur les enfants quand la fatigue plombe les relations et quand la fierté des ouvriers est mise à mal.

 

 

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« On peut pas se payer le luxe d’être pessimistes »

Des luttes pleines d’espoirs

C’est une période noire pour les travailleurs dans un contexte où soi-disant pour parer à la crise, le nouveau ministre du travail entend geler certaines dispositions du droit du travail pendant 3 ans !

C’est une période où il convient de dépasser les divisions sans pour autant nier les situations spécifiques pour converger vers la lutte : hommes, femmes avec ou sans-papiers, français ou immigrés. « Diviser c’est la meilleure stratégie, sinon ca fait longtemps qu’ils auraient perdu. »

C’est dans les luttes que l’ont peut remettre en cause ces divisions. Le sexisme et le patriarcat sont intimement liés au système capitaliste. Ce sont les sexistes qui créent la division, pas les féministes !

 

S’organiser, c’est tout simplement reprendre le pouvoir sur nous même.

Il y a des espoirs, la victoire des Fralib, les femmes de l’hôtellerie qui font bouger les lignes et les luttes en cours. Ces mouvements permettent d’empêcher l’isolement.

Les luttes des femmes employées dans l’hôtellerie, grandement sous-traitées pour les tâches de ménage ont principalement tourné autour du refus de la paye à la chambre (les objectifs étant impossibles à tenir dans des temps de travail légaux), mais à l’heure. Des victoires récentes ont fait ricochet dans ce secteur mais il faut rester mobilisées !

La lutte des postiers du 92 en grève depuis 4 mois contre les contrats précaires ainsi que contre les conditions de travail dégradées à La Poste est à souligner et à soutenir, solidarité ! Ces travailleurs et travailleuses sont sortis de l’ombre !

Ces luttes comme celle qu’à menée Gigi à PSA sont des espaces d’émancipation pour les femmes pour peu qu’elles puissent s’y exprimer. Leur place peut se développer par l’auto-organisation des luttes (AG et comité de grève à La Poste par exemple).

 

Parce qu’elles ont plus à dépasser pour exister et prendre leurs places dans les luttes…

Cependant, il y a des exemples de luttes qui fonctionnent mais il y a encore pleins d’endroits où il n’est pas possible de militer, notamment dans les petites structures, ou bien là ou il n’y a pas de reflexes d’organisation. Femmes en lutte souhaite mettre en lumière ces situations difficiles et ces difficultés supplémentaires. L’oppression spécifique des femmes et les situations particulières nous pousse également à faciliter la sortie des femmes de l’ombre en organisant des gardes enfant lors des réunions et événements, et fonctionnant en non-mixité, puis en mixité pour être plus fortes et plus à l’aise.

 Il convient également de mettre en lumière la structure singulière du groupe femmes de la coordination des sans papiers 93 qui permet aux femmes d’aborder leurs problèmes spécifiques.

 

projet banderole 3

 

 Cette réunion publique nous a permis de faire sortir de l’ombre des situations spécifiques de femmes et de leurs souffrances endurées en quête de travail, au travail, après le travail… La confrontation à ces situations parfois dramatiques nous a fait prendre conscience plus que jamais de l’importance du collectif, des solidarités et des luttes.

 

« Ils nous parlent de peur du lendemain mais le lendemain, ils ne le verront pas si ils se battent pas. »

Cette phrase de Gigi peut se conjuguer au féminin avec l’idée que c’est dans les solidarités et les luttes que les femmes peuvent s’émanciper au travail, mais aussi en tant que femmes et femmes du peuple.

 

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Tag(s) : #Lutte des femmes - lutte de classes
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