Faut-il mourir pour avoir des papiers ?
Suite au décès du camarade Abderrazek, nous relayons la lettre ouverte de la CSP 93 (Coordination des Sans-Papiers). Femmes En Lutte 93 se joint à la tristesse et la rage des hommes et femmes de la coordination. Soyons présents au rassemblement vendredi 28 mars à 18h30 à la mairie de Saint-Denis !
Lettre ouverte aux pouvoirs publics et aux citoyens
Trop d’histoires de vies, humainement insoutenables, nous conduisent à nous insurger : question de dignité dans l’attente d’une politique juste, égalitaire, humaine.
Nous dénonçons la politique inhumaine menée par l'Europe et les gouvernements français qui se sont succédé ces dernières années. Une politique qui refuse de reconnaître notre contribution au développement économique de la France, et fait de nous les responsables d’une crise dont nous sommes les victimes, en nous contraignant à quitter nos pays. Une politique fondée sur le fric et sur une xénophobie qui fait de l’immigré un bouc émissaire, entraine des drames (morts par noyade ou de soif dans le désert), enferme dans les centres de rétention, génère des vies de misère, des maladies psychiques ; les enfants n'en sont pas exclus.
Le mépris et l’indifférence généralisée brisent nos rêves d’avenir et font de nous des personnes sans droit à une existence digne. Une existence qui nous est refusée, sous l’un des motifs habituels des obligations à quitter le territoire : l‘intéressé-e n’établit pas être exposé-e à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales … ou encore : ne justifie pas de sa présence sur le territoire…
Que peut répondre à cela Abderrazak, ce ressortissant algérien, arrivé à Marseille en 1978, il y a plus de 36 ans ? Il n’a pas pu renouveler son certificat de résidence, après un grave accident de travail. Dans l’incapacité de produire les preuves de présence demandées, il s’est retrouvé sans papier. Alors que, sous le coup d’une OQTF, il était hospitalisé et dans le coma, la CSP93 informée de ses déboires a pris à cœur de l’accompagner dans ses démarches. Aujourd’hui Abderrazak ne peut plus répondre, il nous a quitté le 20 mars. Nous sommes peinés de son décès. Cependant, dignité humaine oblige, la CSP93 a tenu à déposer une demande de recours gracieux à son nom. Car d’autres, comme lui, vivent dans l’isolement, la précarité, l’exclusion, incapables de présenter tous les papiers exigés pour avoir droit au seul papier qui leur donnerait enfin le droit d’exister.
FAUT-IL MOURIR POUR AVOIR DES PAPIERS ? REPOSE TOI ABDERRAZAK. ON VEILLERA À RÉCLAMER TES DROITS !!! ET LES NÔTRES !
Assez d’hypocrisie ! Assez de démagogie ! On veut nous réduire à vivre dans l’ombre, à nous murer dans la peur, tout en exigeant de nous toujours plus de preuves de notre présence sur le sol français, attestant d’une expérience professionnelle, alors que nous ne sommes pas autorisé-e-s à travailler, justifiant de notre intégration alors que nous sommes d’ores et déjà une partie prenante de la vie de la cité.
Et comme si l’arsenal répressif ne suffisait plus, on met au dessus de nos têtes cette épée de Damoclès qu’est la circulaire du 11 mars 2014. Cette dernière ressuscite les interdictions systématiques de retour sur le territoire français (IRTF). Elle menace d aller chercher les camarades sous le coup d’une OQTF dans les foyers, sur leurs lieux de travail, voire à leurs domiciles. Elle arrachera des familles déboutées du droit d’asile, et leurs enfants scolarisés, du doux rêve d’une vie stable en paix. Elle a pour but de dissuader les sans-papiers d’espérer une régularisation et elle les maintient dans un statu quo inacceptable.
Nous voulons une autre alternative à ce dialogue de sourds avec ceux qui réduisent notre humanité à un bout de papier !!! Nous refusons comme nos prédécesseurs - les occupants de la Basilique de Saint Denis, ceux de l’église Saint Bernard, et tous les autres – d’être assignés à la clandestinité, à l’exploitation et au mépris.
Cette lettre ouverte est un CRI d’ALARME
vers les pouvoirs publics pour une régularisation de tous les sans papiers avec une carte de dix ans qui ouvre sur une citoyenneté de résidence et crée les conditions d’une égalité effective des droits de toutes et de tous.
vers les citoyens et citoyennes de France et d’Europe, pour un réveil des consciences et pour une entrée en résistance de toute la société
POUR UN CHANGEMENT DE POLITIQUE, POUR LA REGULARISATION DE TOUTES ET TOUS LES SANS PAPIERS. C’est une question de dignité !